Credit photo : Linnea Stephan
S’approprier le sens et non l’étiquette au travers d’une peinture où les personnages dépourvus de visage traduisent l’émotion. Le coup de pinceau d’Alex Gardner véhicule une humilité et une honnêteté rares, où l’authenticité trône dans un savant contraste de noir et de couleurs.
Comment décrirais-tu ton art ? Mon art est figuratif. J’essaye de capter la beauté de la vie, la mienne, celle de ceux que je connais et côtoie. J’aime l’idée qu’à l’instar des films, tous les jours se ressemblent et puis soudain, un moment plus profond se détache. Focus. On s’arrête, on zoom sur cet instant particulier, qui peut être romantique par exemple. Et la beauté du détail apparaît. C’est ce que j’essaye de traduire dans ma peinture.
Qui furent les personnages principaux de ta carrière ? Quelles sont tes inspirations ? Ma carrière est récente et je n’ai pas eu beaucoup d’aide à ce sujet. De plus, je ne connais pas bien l’art contemporain et ses artistes. Je n’ai donc pas été beaucoup influencé par ces derniers mais davantage par la musique et le cinéma. Mes oeuvres sont liées en tous points aux émotions, aux humeurs, aux états d’âmes… En ce sens, la musique et les films m’inspirent bien davantage.
Quel est l’endroit où tu peux te sentir toi-même ? Je dirais entouré de mes amis proches, mais également quand je suis seul. Je suis fils unique, j’ai passé et je passe encore beaucoup de temps seul. Il me semble que c’est ainsi que je me sens le mieux.
Et quand tu voyages as-tu envie de peindre ? Partout où je voyage, je suis inspiré. Je peux produire des oeuvres n’importe où mais j’ai cependant besoin d’un espace dédié. Il me faut un atelier pour pouvoir m’organiser et m’immerger.
As-tu un rituel avant de commencer à créer ? Pas vraiment. Je me réveille, je déjeune, je bois un café et je démarre. Je ne crée que de jour. Je peins ainsi toute la journée et quand le soleil se couche, j’arrête. Je ne peins jamais la nuit car je ne bénéficie pas de la bonne lumière naturelle. Les lumières artificielles faussent les couleurs. Du coup on peut être confronté à de mauvaises surprises et à un rendu bien loin de ce que l’on souhaitait.
Comment choisis-tu tes couleurs ? J’essaye de faire de belles couleurs, justes et lumineuses parce que les sujets qui m’intéressent sont assez sombres. De mes personnages émanent beaucoup d’obscurité et de tristesse. J’y apporte un contraste en utilisant de belles couleurs et je montre ainsi deux facettes opposées.
Est-ce qu’un bon artiste est un artiste qui vend ? Non, je ne pense pas. Certains artistes bénéficient de bons agents. Mais celui qui vend un artiste, connaît-il quelque chose à l’art ou est-il simplement un bon vendeur ? J’étais récemment au salon d’Art Contemporain Frieze Art Fair à Londres, j’y ai vu beaucoup d’oeuvres, différents styles … Du bon et du moins bon. Selon moi, un bon artiste est un artiste honnête et qui reste fidèle à ce qu’il fait. Si ces artistes se mettent à vendre de cette manière « good for them! » Malheureusement, je pense que trop d’artistes créent des oeuvres pour vendre, pour devenir riches et si à l’évidence je n’adhère pas au mécanisme, je ne peux que constater qu’il ne s’agit pas toujours de bon travail.
Dans cet ére de l’esthétisme, comment définirais-tu le beau ? L’honnêteté est belle. La beauté est une sorte de vérité, quelque chose qui reflète l’humanité et qui transmet un message authentique. Il y a beaucoup trop d’art conceptuel qui trompent, qui testent le public et auquel je n’accorde aucune valeur.
Concernant ton art, quelles sont tes limites ? J’ai des limites physiques et techniques. Mon corps à ses propres limites et la pratique permet d’améliorer et de dépasser les contraintes techniques. Il s’agit d’entrainement. Mais personne n’a de limites en ce qui concerne l’esprit !
Bien qu’il semble amical, le Wombat est agressif quand il est de mauvaise humeur. Dévoile nous un de tes défauts ou une mauvaise habitude ? L’un de mes plus gros défauts est que je suis particulièrement négatif, pessimiste. J’ai donc besoin de m’entourer de personnes positives. Mon travail reflète mes états d’âmes et mes attitudes dans toutes leurs complexités. Pour se protéger, le Wombat bouche son terrier avec son derrière lorsqu’il se sent attaqué.
Quel est ton moyen de défense ? Je pense être généralement sur la réserve. Je n’aime pas laisser les gens être trop proches. Je me défends en évitant d’être émotionnellement trop vulnérable aux autres. J’écoute, j’observe et je reste assez secret.
Si j’étais Alex GARDNER, quelle question me poserais-tu ? Que puis-je te souhaiter ? J’espère pouvoir vendre mes peintures. Il ne s’agit pas d’argent mais j’ai tout de même besoin de payer mon loyer. Tant que je peux développer et améliorer mon art, je suis satisfait, ça me va. C’est peu ? « Sorry! »
Interview Jessica SEGAN pour Wombat.
Découvrez le tirage de Alex Gardner pour Wombat.