Coffret Wombat 43 avec Diana Markosian

Coffret Wombat 43 avec Diana Markosian

Documentaire et fictive, tendre et tumultueuse, la photographie de Diana Markosian séduit les associations militantes, les revues de photographie et les quotidiens réputés. Née en 1989 en Union Soviétique, Diana Markosian est une photographe russo-américaine d’ascendance arménienne. Photographe pour National Geographic depuis 2014, elle arpente les continents pour documenter l’exil, l’histoire et la mémoire. Ses clichés intimes et engagés questionnent l’identité familiale et nationale.

Diana Markosian Wombat

1996. Diana Markosian a sept ans lorsque sa mère Svetlana l’emmène une nuit en Californie, avec son frère. Délaissée par un mari absentéiste, la trentenaire publie une annonce dans une agence russe afin qu’un homme l’épouse en Amérique, inspirée par le feuilleton américain Santa Barbara.

Vingt ans plus tard, la photographie de Diana Markosian est une quête d’identité. L’artiste collabore avec la scénariste du feuilleton pour rejouer l’histoire de sa mère. L’arrivée en Californie, le second mariage, la vente de cravates : la monographie Santa Barbara, exposée aux Rencontres d’Arles et au MoMA de San Francisco, réunit des photographies, des éphémères et un court-métrage. Ce projet à la croisée de la fiction et de la réalité mêle la petite histoire à la grande. C’est l’histoire de Svetlana et celle du rêve américain, ses intérieurs rangés à la Larry Sultan et ses villes poncives à la Stephen Shore.

Diana Markosian Wombat

Diana Markosian n’a pas dit au revoir à son père en 1996. En 2014, elle réalise le roman photographique Inventing my father. Diana Markosian chemine jusqu’aux retrouvailles avec son père, d’une silhouette découpée sur les albums de photographies aux images de sa nouvelle vie, son second mariage et son troisième enfant. Des vestiges bétonnés de l’ex-URSS. Des lettres renvoyées à l’expéditeur. Des pièces sombres de son appartement en Arménie. I keep looking for him. I think I always will.

L’obsession de Diana Markosian est la mémoire, familiale et nationale. Afghanistan, Russie, Tchétchénie et Arménie, elle enquête sur les séquelles du passé à l’aune d’une perspective intime. School no.1 (2014) est un récit commémoratif consacré à la prise d’otages d’une école russe en 2004, à Beslan. L’artiste photographie l’école, les vêtements ensanglantés, les rescapés ; elle recueille leurs témoignages, superpose leurs dessins enfantins à ses clichés, raconte les journées de terreur comme un journal de bord.

Pour le projet 1915 (2015), Diana Markosian a rencontré les rescapés centenaires du génocide arménien, Mariam, Movses, Yepraskia. Elle a retrouvé les villages turcs de leur enfance, avant la déportation et recueilli leurs témoignages, leurs dessins, les photographies des corps sur le sol. Elle trace un chemin exigeant et cru, récompensé à maintes reprises.

 

Diana Markosian remporte en 2016 le prix du centre Pulitzer pour les reportages de crise, en photographiant les premiers pas d’une famille afghane réfugiée en Allemagne.

L’artiste explore aussi les histoires nationales sous le prisme de la religion. The Virgin Mary (2015) étudie le culte de Marie à six endroits du monde. Les clichés précis et lumineux, visages fascinés, statuettes dorées et prières concentrées, illustrent la puissance du culte. Le projet Goodbye my Chechnya (2012), publié par Human Rights Watch et l’Unicef, explore le quotidien de femmes tchétchènes. Après vingt ans de guerre, le gouvernement de la Tchétchénie a instauré un État musulman en Russie. Ombres lourdes sur voiles noirs et lumières d’hiver sur versets coraniques, les photographies sophistiquées de Diana Markosian documentent la transformation religieuse d’une région déchirée.

Diana Markosian s’intéresse aux traditions et aux rites de passage. Dans Quince (2018), Diana Markosian capture la quinceañera d’une jeune femme cubaine, une cérémonie d’anniversaire onéreuse encastrée dans la culture machiste. Le cliché de Pura pavanant sur les chemins terreux de la Havane vêtue d’une robe rose, assise sur un capot rose, remporte le premier prix World Press Photo dans la catégorie Enjeux contemporains. C’est une photographie graphique, historique et inondée de lumière ; emblème de l’œuvre précise de Diana Markosian.

Classée parmi les 30 under 30 de Forbes en 2017, célébrée par The Financial Times, i-D Magazine et The New York Times, sélectionnée par Hundred+Heroines parmi cinquante photographes inspirantes, la photographe prolifique a modelé un univers sophistiqué et engagé. Diana Markosian manie à la perfection l’art de mêler l’histoire familiale à l’histoire nationale, l’intime à l’universel, la douceur au tumulte.

Texte de Salomé Bataille. Crédits images : Diana Markosian.

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